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NVIDIA : jusqu’où peut monter la bête avant d’exploser ?

La courbe de NVIDIA ressemble de plus en plus à celle d’une startup crypto sous amphétamines. Depuis 2020, l’action de la firme au caméléon a explosé de plus de 1000 %, la capitalisation flirtant désormais avec les 2 000 milliards de dollars. Une performance hors normes qui ferait presque passer les bulles dot-com pour des corrections techniques mineures.

Mais derrière cette ascension vertigineuse, une question se pose : jusqu’où NVIDIA peut-elle monter ? Car entre une domination insolente du marché des GPU, une ruée vers l’IA qui tourne à l’orgie financière et une dépendance technologique critique à TSMC, les signaux de surchauffe commencent à clignoter. Et si tout le monde s’accorde à dire que NVIDIA est en train de redéfinir l’industrie du semi-conducteur, peu osent regarder l’autre face de la médaille.


Un monopole à peine déguisé… mais vulnérable

NVIDIA n’est pas seulement un leader, c’est un quasi-monopole sur le marché des puces IA. Les GPU H100 sont devenus la norme absolue, imposant une dépendance forcée à toutes les grandes entreprises du cloud.

  • Amazon, Google et Microsoft dépensent des milliards en H100 pour alimenter leurs clusters IA.
  • OpenAI et les labos de recherche n’ont quasiment pas d’alternative viable à court terme.
  • Les startups de la Silicon Valley ne peuvent pas lever un centime si elles n’ont pas une ligne « GPU NVIDIA » dans leur business plan.

Ce verrouillage du marché est une prouesse commerciale digne d’Intel dans les années 90. Sauf que l’histoire nous a appris que les monopoles finissent toujours par être attaqués.

  1. AMD et ses GPU Instinct : encore loin derrière en performances brutes, mais gagnant du terrain grâce à des prix plus attractifs et une meilleure efficacité énergétique.
  2. Les processeurs IA spécialisés (TPU, Gaudi, et consorts) : Google pousse ses Tensor Processing Units, Intel met le paquet sur Gaudi, et Amazon peaufine ses propres puces Trainium.
  3. Les startups qui rêvent d’un monde sans NVIDIA : des boîtes comme Cerebras, Graphcore et Tenstorrent tentent de réinventer l’architecture même des puces IA, avec des promesses d’efficacité largement supérieures.

Ajoute à ça une régulation de plus en plus hostile, notamment en Chine où les restrictions américaines compliquent les ventes, et tu obtiens un empire qui semble inattaquable… jusqu’au jour où il vacille.


La bulle des data centers : combien de temps avant la gueule de bois ?

L’un des moteurs de la folie NVIDIA, c’est la ruée vers les data centers IA. Depuis ChatGPT, tout le monde veut son modèle génératif maison. Résultat : des investissements délirants.

  • Microsoft dépense plus de 50 milliards de dollars en infrastructure IA en 2024.
  • Meta veut faire tourner l’open-source à plein régime avec des centaines de milliers de GPUs.
  • Amazon et Google jouent les surenchères pour ne pas se laisser distancer.

Sauf que cette euphorie pose une question cruciale : la demande est-elle structurelle ou conjoncturelle ?

Si l’IA devient aussi indispensable que l’électricité, alors NVIDIA peut encore doubler. Mais si, comme en 2001 avec les serveurs web, l’explosion des investissements s’avère excessive, on risque un retour brutal à la réalité.

Car tout le monde se rue sur des clusters IA sans avoir encore prouvé leur rentabilité. Même les hyperscalers n’ont aucune idée du ROI réel de ces milliards engloutis dans les GPU. Si le marché réalise qu’il a surestimé l’impact immédiat de l’IA générative, la correction pourrait être sanglante.


TSMC : la corde sensible

Autre facteur de risque colossal : NVIDIA ne fabrique pas ses propres puces. Toute sa production dépend d’un acteur unique : TSMC.

  • Les H100 sont fabriqués sur le process 4 nm de TSMC.
  • Les futurs B100 et B200 reposeront sur le 3 nm.
  • Toute la roadmap IA de NVIDIA dépend donc d’une seule entreprise taïwanaise, située à quelques kilomètres des côtes chinoises…

Autrement dit, si TSMC éternue, NVIDIA attrape la grippe. Un séisme, une tension géopolitique, une problème de yield sur une nouvelle gravure… et c’est tout un écosystème qui se grippe.

Et avec Intel et Samsung qui peinent à rattraper leur retard, NVIDIA n’a aucun plan B.


L’effet bulle de l’action : un scénario déjà vu

Autre signal inquiétant : l’action NVIDIA commence à ressembler à celle de Cisco en 2000.

  • En pleine bulle Internet, Cisco était vu comme le “backbone” de la nouvelle économie.
  • Son action a explosé, sa capitalisation a atteint des sommets, tout le monde pensait que la croissance allait durer éternellement.
  • Puis la bulle a éclaté. Et il a fallu 22 ans à Cisco pour retrouver son niveau de 2000.

Aujourd’hui, NVIDIA est le Cisco du boom de l’IA.

  • Les ratios de valorisation sont stratosphériques.
  • Tout le monde est ultra-optimiste.
  • L’euphorie pousse les investisseurs à ignorer les risques structurels.

Mais si le marché se refroidit, si les investissements en IA ralentissent, le retour sur Terre pourrait être violent.


Jusqu’où peut aller NVIDIA ?

Si l’euphorie IA continue, si les data centers continuent d’absorber des GPUs par millions, alors NVIDIA peut encore doubler. Les 3 000 milliards de capitalisation ne sont pas impossibles.

Mais l’histoire des bulles technologiques nous apprend une chose : les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel.

  • Une correction brutale sur l’IA est plausible.
  • Une diversification trop lente vers d’autres secteurs pourrait être fatale.
  • Une crise géopolitique à Taïwan serait un désastre.

Aujourd’hui, NVIDIA est intouchable. Mais l’était aussi Cisco en 2000. L’était aussi Intel en 1999.

La seule question qui compte : combien de temps avant le reality check ?


Une trésorerie de titan, un free cash flow en feu

NVIDIA n’est pas qu’un monstre technologique, c’est aussi une machine financière d’une rare efficacité. Son free cash flow (FCF) a littéralement explosé : en 2023, il atteignait près de 30 milliards de dollars, contre à peine 4 milliards en 2020. Un rythme de croissance qui ferait rougir Apple ou Microsoft à leurs meilleures années.

Avec plus de 25 milliards de dollars de trésorerie nette, la firme a de quoi financer son expansion sans dépendre des marchés de la dette, un luxe rare dans le secteur technologique. Son marge brute dépasse 75 %, grâce à une politique de prix ultra-agressive et à l’absence d’une véritable concurrence immédiate sur les GPU IA. Chaque H100 vendu est une imprimante à cash, avec des marges records que même les fondeurs historiques comme Intel et AMD peuvent envier.


Un multiple délirant qui repose sur une foi aveugle dans l’IA

Mais cette puissance financière justifie-t-elle réellement la valorisation actuelle ? Avec un P/E forward au-dessus de 40 et un EV/EBITDA qui tutoie les 35, NVIDIA est plus chère que 95 % du marché. Pour mettre en perspective, en 1999, Cisco affichait un P/E de 50… juste avant de perdre 80 % de sa valeur dans l’explosion de la bulle Internet.

L’intégralité de la valorisation repose sur un scénario où la demande en GPU IA resterait exponentielle pendant au moins une décennie. Problème : l’histoire des semi-conducteurs montre que chaque cycle d’innovation finit par être suivi d’un ralentissement brutal. Si les hyperscalers coupent leurs budgets IA, si des alternatives aux GPU émergent, ou si NVIDIA peine à renouveler son avantage compétitif, le retour de bâton pourrait être féroce. Aujourd’hui, l’action price la perfection absolue – et Wall Street n’aime pas les surprises négatives.