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Assurance-vie pour enfant mineur : le charme discret d’une solution méconnue

Parmi les stratégies de capitalisation long terme, l’assurance vie souscrite au nom d’un enfant mineur reste l’un des instruments les plus méconnus — et les plus efficaces — du droit français. Loin des produits grand public, ce montage juridique intéresse surtout les familles structurées, conscientes que la gestion d’un patrimoine se joue à l’échelle des générations.

Une ingénierie autorisée, mais encadrée

Contrairement à une idée reçue, un mineur peut parfaitement être titulaire d’un contrat d’assurance vie, dès lors que la souscription est réalisée par ses représentants légaux. Ce point de droit, peu médiatisé, s’appuie sur l’article 382 du Code civil et l’article L132-1 du Code des assurances.

“On parle ici d’une propriété juridique différée. Le mineur est titulaire du contrat, mais ne peut en disposer avant sa majorité. C’est précisément ce verrou qui en fait un outil de stratégie patrimoniale”, résume un notaire de Neuilly-sur-Seine habitué aux dossiers de transmission complexes.

Objectif : transmission fluide et capitalisation longue

Le montage est particulièrement utilisé pour :

  • Anticiper la transmission intergénérationnelle, en évitant les frottements fiscaux liés aux successions.
  • Placer des excédents de trésorerie de manière stable, dans un support non imposable à l’ISF/IFI.
  • Constituer une réserve d’autonomie pour l’enfant, à horizon 18, 25 ou 30 ans, dans un cadre fiscal figé.

En pratique, un grand-parent peut verser jusqu’à 100 000 € tous les 15 ans par petit-enfant, en franchise totale de droits (article 790 B du CGI). Les sommes versées avant 70 ans entrent ensuite dans la fiscalité assurance-vie classique, avec un abattement de 152 500 € par bénéficiaire en cas de décès, ce qui permet de désintermédier partiellement la succession.

“Nous avons structuré des contrats pour des jumeaux de 12 ans avec chacun 180 000 € de primes versées. En 8 ans, placés en fonds euro + unités de compte prudentes, ils atteindront probablement 250 à 270 000 €. C’est une dotation de départ sans fiscalité, hors succession, hors contrôle bancaire”, explique un CGP parisien travaillant avec plusieurs familles du 16e arrondissement.

Rigidité assumée

Ce type de contrat n’est pas fait pour la souplesse. Jusqu’à la majorité du mineur, aucun retrait ne peut être effectué sans l’accord des deux parents, et le juge des tutelles peut être saisi si l’opération ne semble pas répondre à l’intérêt direct de l’enfant.

“C’est ce qui plaît à certains clients. Le contrat devient juridiquement figé : il ne peut être ni dilapidé ni réintégré au patrimoine familial par caprice ou conflit d’intérêts”, souligne une avocate fiscaliste.

Même à 18 ans, le capital reste sous le contrôle du jeune adulte, mais dans un cadre juridique où les choix passés sont difficilement réversibles. Impossible, par exemple, pour les parents de réorienter les fonds sans consentement du souscripteur devenu majeur.


Exemple chiffré

  • Versement initial : 150 000 € à l’ouverture, par un grand-parent (donation exonérée).
  • Placement moyen : fonds euro + unités de compte prudentes (rendement estimé : 3,5 %/an net).
  • Durée : 10 ans (de 8 à 18 ans).
  • Capital estimé à 18 ans : environ 211 000 €.
  • Fiscalité en cas de retrait : abattement annuel de 4 600 € sur les plus-values (mineur devenu majeur), puis imposition au PFU (17,2 % + 7,5 % après abattement).

En conclusion : un outil de classe, à usage réservé

L’assurance vie pour mineur n’est pas un produit, c’est un cadre. Une enveloppe juridique, fiscale et patrimoniale destinée à ceux qui pensent sur deux ou trois générations, et qui veulent construire sans bruit.

Ceux qui espèrent une gestion dynamique ou une liquidité à court terme passeront leur chemin. Mais pour les autres, c’est un levier rare : hors succession, hors ISF, hors contrôle fiscal immédiat.