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Stratégie de vente de puts et méthode « Wheel » : monétiser le risque perçu sans pari directionnel

Malgré la sophistication croissante des intervenants, l’inefficience des options à court terme persistes. La stratégie de vente de puts — suivie du mécanisme dit de la « Wheel » — est spécifiquement destinée à profite de ce contexte. Cette approche privilégie l’encaissement de primes optionnelles sur des actifs sous-jacents de qualité, avec pour seul postulat une probabilité faible d’assignation, dans un contexte de volatilité maîtrisée.

Vente de puts : encaisser la prime dans un marché neutre à haussier

Le short put consiste à vendre une option de vente sur un sous-jacent que l’on serait disposé à acquérir. L’investisseur encaisse une prime immédiate en échange de l’obligation d’acheter l’actif au prix d’exercice (strike) si celui-ci clôture en dessous à l’échéance. Si le marché reste au-dessus du strike, l’option expire « out of the money » et la prime est captée intégralement. C’est ici que le “theta decay” — la perte de valeur temps de l’option — devient un allié structurel du vendeur.

Cette stratégie devient particulièrement attractive lorsque la volatilité implicite est élevée par rapport à la volatilité réalisée. L’investisseur vend alors un risque surévalué, souvent dans des configurations où le sous-jacent évolue en range ou présente une forte résistance technique au niveau du strike vendu.


📘 Lexique technique – Options et métriques associées

  • Theta : mesure la perte de valeur d’une option liée au passage du temps, toutes choses égales par ailleurs. Plus le theta est élevé, plus la position short bénéficie de l’érosion temporelle.
  • Delta : probabilité implicite d’assignation pour un put ; souvent utilisé comme proxy pour calibrer le niveau de risque. Un put delta 20 (≈ 0.20) est assigné dans 20 % des cas.
  • Vega : sensibilité de l’option à la variation de la volatilité implicite. Un short put est vega négatif : une baisse de la vol implique une dépréciation de l’option, favorable au vendeur.
  • IV rank / IV percentile : métriques permettant d’évaluer le niveau relatif de volatilité implicite par rapport à l’historique. Un IV rank élevé justifie la vente de premium.
  • Assignment : exécution forcée de l’option par l’acheteur ; le vendeur du put achète le sous-jacent au strike.
  • Covered call : vente d’un call sur un actif déjà détenu, utilisée pour générer un rendement supplémentaire.

La “Wheel” : cycle perpétuel entre acquisition forcée et génération de cash-flow

Lorsqu’un put est assigné, le vendeur devient propriétaire du sous-jacent à un prix effectif égal au strike diminué de la prime reçue. Plutôt que de liquider cette position, il initie la seconde phase de la stratégie : la vente de calls couverts. Cette opération consiste à encaisser une nouvelle prime en échange de l’obligation de vendre l’action si elle franchit un nouveau seuil à la hausse. En cas d’assignation sur le call, la position est liquidée avec une plus-value, et le cycle peut redémarrer par une vente de put.

Ce mécanisme séquentiel permet une rotation continue entre encaissement de premium et acquisition/revente mécanique du sous-jacent, sans jamais parier sur une direction nette du marché. Il exploite les propriétés statistiques des options short-dated, et mise sur la répétition pour lisser le risque.

Exemple complet de trade « Wheel »

Sous-jacent : Apple Inc. (AAPL)
Cours spot initial : 178,00 $
Stratégie engagée : Vente de put OTM sur AAPL, delta ≈ 0,25
Capital disponible : 10 000 $
Taille du contrat : 100 actions (1 option = 100 titres)

Phase 1 : Vente de put

  • Strike vendu : 170,00 $
  • Échéance : 30 jours (DTE : days to expiration)
  • Prime encaissée : 2,85 $ par action (soit 285 $ par contrat)
  • Delta de l’option : -0,25
  • IV (volatilité implicite au moment de la vente) : 28 %
  • Rendement annualisé sur capital immobilisé (collatéral de 17 000 $) : ~20,24 %
  • Theta : +6,40 $ par jour

Scénario réalisé : à expiration, AAPL clôture à 166,50 $ → assignation.

Phase 2 : Assignation – Achat de l’action

  • Prix d’achat effectif = strike – prime encaissée = 170,00 $ – 2,85 $ = 167,15 $
  • Position initiée : achat de 100 actions AAPL à 167,15 $, soit 16 715 $ immobilisés
  • Perte latente à l’achat : (166,50 $ – 167,15 $) × 100 = -65 $

Phase 3 : Vente d’un covered call

  • Call vendu : strike 175,00 $
  • Échéance : 30 jours
  • Prime encaissée : 3,20 $ par action (soit 320 $)
  • Delta du call : 0,30
  • IV actuelle : 25 %
  • Rendement sur la position détenue : 320 $ / 16 715 $ = 1,91 % sur 30 jours

Scénario réalisé : AAPL clôture à 176,50 $ → assignation du call.

Phase 4 : Revente de l’action via le call

  • Prix de vente = strike du call = 175,00 $
  • Plus-value sur action = (175,00 $ – 167,15 $) × 100 = 785 $
  • Gain sur le call = 320 $
  • Gain total sur la phase covered call = 785 $ + 320 $ = 1 105 $

Synthèse du cycle complet

ÉlémentMontant
Prime put encaissée+285 $
Moins-value assignation put-65 $
Prime call encaissée+320 $
Plus-value revente action+785 $
Gain net total+1 325 $
Durée totale60 jours
Rendement global1 325 $ / 17 000 $ = 7,79 %
Rendement annualisé approx.≈ 52 % brut (hors fiscalité et slippage)

Ce cycle montre une efficacité optimale de la stratégie :

  • assignation sur le put (scénario attendu à 25 % de proba)
  • rebond partiel du sous-jacent → optimisation via le call
  • gain combiné de prime et plus-value > 7 % sur deux mois

Ce scénario repose sur une volatilité implicite supérieure à la vol réalisée, une gestion passive de la position assignée, et une sélection rigoureuse du sous-jacent.


Conditions de marché favorables à la Wheel

La stratégie est particulièrement efficace dans des environnements où la volatilité implicite est surévaluée par rapport à la volatilité réalisée. Les actifs cibles sont typiquement des large caps liquides, stables, avec une profondeur suffisante sur les chaînes d’options. Le succès repose sur trois leviers : une gestion stricte du capital engagé, une discipline dans le choix des strikes (souvent hors de la monnaie avec delta faible), et une exécution rigoureuse autour des échéances mensuelles ou hebdomadaires.

Les intervenants expérimentés utilisent souvent des filtres quantitatifs pour sélectionner les meilleurs sous-jacents : ratio de Sharpe élevé, faible beta, fort intérêt ouvert sur les options, et historique de faibles drawdowns.

Asymétrie rendement/risque maîtrisée, mais jamais nulle

Contrairement à une idée reçue, la vente de puts n’est pas une stratégie à haut rendement. Le rendement est plafonné à la prime, mais sa répétabilité en fait un moteur de performance annualisée robuste. Le risque, en revanche, est celui d’un portage non désiré d’un actif en chute, avec un capital immobilisé durablement. Il s’agit donc moins de « gagner plus » que de « gagner souvent », à condition de tolérer l’occasionnelle assignation et d’intégrer le cycle complet dans sa stratégie de gestion.